Le réveil fut difficile. L'intérêt du sommeil se fait profondément sentir.
Si, au premier abord, la nuit paraissait être une faramineuse perte de temps, elle demeurait salvatrice pour le corps. Pourtant, l'individu se passerait bien de la période hibernale. Qu'est-ce que c'était ? Si ce n'est qu'un projecteur de film virtuel capable de transposer des envies en suite d'images assimilées comme vraies par un cerveau considéré comme développé.
Le développement, n'est-ce pas le résultat d'une amélioration et d'une bonification graduelle ? Le résultat serait un organe disposant de capacités tout à fait remarquables. S'il est apte à faire des multiplications improbables ou des raisonnements proprement inutiles dans la vie de tous les jours (comme calculer le pourcentage d'obtenir une boule noire alors que l'on tire des boules rouges, noires, noires et rouges avant mais sans oublier qu'il n'y a que quatre noires contrairement aux sept rouges et qu'il demeure la boule jaune, placée pour embêter son monde dans un sac tellement rempli de boules qu'on se demande encore comment le héros de l'énoncé peut encore y faufiler sa main), pourquoi n'arrive-t-il pas à discerner le vrai du faux durant le sommeil. Le corps ne pratiquant aucune action physique, l'activité mentale en est donc complètement libérée et peut alors se focaliser sur ce qui l'anime, à savoir les rêves. Pourtant, elle se laisse bernée et gobe tout ce qui lui passe devant.
Aurions-nous une pensée crédule ? Un cerveau naïf qui pense que la moindre illusion nocturne (en règle générale) est à prendre pour argent comptant. C'est à croire qu'il le fait exprès et se jette sur la moindre pensée pour essayer de fuir le monde alentour. La nuit serait donc une manière de s'évader du monde qui nous entoure.
S'évader : fuir d'un lieu dans lequel on est retenu prisonnier. Le monde alentour serait-il une prison ? C'est étrange puisque chaque contrée prône la liberté. Pourquoi s'évader d'une prison où la liberté règne ? C'est particulièrement paradoxal, à croire que la seule liberté pour un prisonnier est de s'évader par le rêve. La question d'être prisonnier ou non dans ce monde, ne se posait même plus, la réponse paraissait évidente, et la prison tendait à restreindre les libertés de ses résidants.
Alors que notre individu vaquait à ses occupations habituelles, dormir, manger, intérêt général. Il se risque, malgré les cris des autres prisonniers en colère, à continuer ses activités. Qui l'eut cru ? Une horde de sauvages l'en empêchèrent. Nul dialogue était possible et la force était employée. Ces primates évolués (réellement évolués ?) tendaient à faire valoir une opinion qu'ils partageaient au mépris de celles de leurs congénères. Depuis quand une opinion doit-elle être unanime ? Si l'on considère une opinion semblable à une pensée, une pensée à un rêve (A=B, B=C, donc A=C), cela montrerait la volonté de certains de s'introduire dans les rêves d'autrui, ceux-ci même qui sont censés être le fruit d'un esprit distinct. Où se cache donc la liberté ? Ils crient après un pouvoir qui impose son avis mais que font-ils ? Ils imposent un état de fait à leurs semblables. Est-ce mieux ?
La matinée était relativement calme. Comme à son accoutumée, le voisin du dessus paraissait adorer son sol en tapant du pied de chaise. Son rituel préféré vraisemblablement. Le temps, fâché devant les exactions des êtres du bas, semblait pleurer de tous ses nuages dans le but de calmer les résidants de l'astre mais si le pari fut en partie réussi, les moins couards tinrent le coup. Moins couards qu'ils en avaient l'air ? Ou privilégiant leur ego qui aurait été mis à mal si la retraite avait été décrétée ? En tout cas, ces pantins se tenaient pas légion dans les rues de la ville. Si notre homme avait été un fan pur et dur de la double trilogie de Lucas, il aurait assimilé ces vagues à une armée de clones : même nombre, même autonomie, même formatage, même détermination. Les clones se distinguaient tout de même sur un point : leur utilité bien plus perceptible à ses yeux.
Naviguant dans son antre, toujours obscure et peu accueillante, il vaquait à ces occupations.
La principale de la journée ? L'utilisation de son ordinateur. Décriée comme un bouffeur de vie sociale par certains (en l'occurrence, ce n'est pas le cas puisque c'est le résultat d'un choix tout à fait réfléchi et donc il n'y a aucune action de subie), comme un formidable outil de travail (comme ici), le personal computer trouve là une utilité tout à fait intéressante : boucler, ou en tout cas, continuer, un projet pour les travaux généraux qui, eux, sont subis. L'occasion d'observer une fois de plus la bêtise humaine.
Pourquoi se lancer dans des aventures dont la langue nous est inconnue ? Pour épater son entourage ? Pour dire que l'on joue avant tout le monde ? Pour se ridiculiser devant tout le monde ? Toutes les possibilités sont envisageables, mais la dernière semble particulièrement prisée par les joueurs, les jeunes joueurs. De par leur insouciance et leur naïveté inhérente à leur genre, ils pensent que ce sera facile et qu'en cas de coup dur, il suffit d'aller trouver un compatriote qui aura tout de suite envie d'aider. Un grand altruiste qui n'a que ça à faire de les dépanner sur un jeu qu'il a fait des mois auparavant et dont seules des bribes de souvenir demeurent. Mais quand un jeu est réellement peu prisé et que le seul compatriote pouvant aider le pauvre agneau n'est autre que notre bonhomme, la donne change.
De nature têtue, il déteste aider les gens. Il n'aime pas les gens. C'est très caricatural mais ainsi pourrions-nous le résumer de manière grossière. Dans tous les cas, voir un joueur se lancer dans des pérégrinations en langue obscure et tourner en rond toutes les dix minutes, l'amuse terriblement et mais quand ce dit joueur vient le trouver, il en est agacé.
En partant du principe qu'il ne demande jamais d'aide aux autres, car de nature solitaire, pourquoi d'autres le font ? Qu'ils le fassent entre eux mais que l'on ne vienne pas l'enquiquiner. Généralement, le gamin ne possédant pas beaucoup de printemps derrière lui, est impatient, occultant la vie privée de son messie et exigeant une réponse précise à chacune de ses interrogations.
Le problème de l'aide est similaire à celui des drogues. On voit les autres le faire alors on tente un jour, puis on en prend de plus en plus et au final, on ne peut avancer sans en avoir. Ecoutons nos aînés, généralement prétentieux et entêtés mais qui nous répètent souvent que leur monde est devenu celui des assistés, des demandeurs d'aide.
Il y en aurait moins si on ne répondait pas à leur demande, tout simplement. Comment peut-on ne pas aider autrui ? Serait-ce moins humain ? Pourtant, ne dit-on pas que toutes les émotions et caractères montrés par les individus en font des être humains. Dans ce cas, l'individualisme et l'égocentrisme font partie des caractéristiques de la race humaine. Ah non, qu'ai-je dis ! Le mot race est devenu prohibé. Nous distinguons les caniches, des dobermans et des bulldogs mais l'espèce humaine n'est faite que d'un bloc, pas de différence. Est-ce qu'un berger allemand est moins "bien" qu'un basset ? Absolument, il présente juste des caractéristiques physiques différentes. Il n'y a alors aucune envie de faire des camps, juste nommer ce que l'on voit. "Les humains ne sont pas des animaux"... depuis quand ?
Tapotant en rythme sur son clavier, notre homme se repose après un intense travail de réflexion qu'il devra présenter le lendemain...
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