Remanier le passé. En voilà une perspective qui laisse plus d'une personne rêveuse. Pouvoir influer sur les événements d'antan, revivre un moment différemment, modifier sa condition actuelle pour rendre réalité l'utopie si souvent envisagée. Tant de possibilités imaginables, tant de chemins à prendre, tant d'ouverture à vérifier, tant d'actes inachevés.
Se lever un matin et se dire que l'importance de la veille n'est que factice, que tout peut être recommencé, revu sous un angle différent.
S'il est vrai qu'un triangle peut posséder des angles de degrés divers, il est de même de la vie. A ceci près, que la frontière du 180° n'existe pas. Quelle est la limite à l'imaginaire ? Quelle est la limite à la vie ? Le support et le réceptacle, serait-on tenté de dire. Vivre sur une planète délimitée est une contrainte mais non une limite. Penser vivre dans un univers infini est plus agréable à l'esprit. Pourtant, toute chose est censée être promue d'un début et d'une fin. Les limites sont partout mais demeurent invisibles pour les êtres vivants. Chacun tente de parfaire son existence et avancer. La direction qu'il s'emploie à suivre n'est pas pré-déterminée, en tout cas, les individus se plaisent à le penser, en cela, il est difficile de prévoir un arrêt. Une expansion de la sorte est tout à fait compréhensible mais difficilement concevable pour nombre d'entités. Désireuse de respecter les possibilités dévoilées par le corps, certainement l'un des rares états sur lequel on ne peut influer immédiatement mais qui laisse augurer une pléthore de possibilités tout à fait rationnelles si t'en est que l'on y croit. Faire pousser des ailes dans le dos d'un homme a toujours été un fantasme, refoulé par les êtres auto-proclamés éclairés alors que le savoir humain évoluant, l'impossible devient possible. Les limites se gomment et se déplacent. Les mentalités changent et varient. Déplacer des frontières, n'est-ce pas la preuve de l'illégitimité de ces dernières. A croire qu'une pensée révélée d'un individu est vérité absolue pour l'ensemble de ses semblables. Alors que non. Chaque mouvement est singulier, chaque souffle est personnel, chaque image est interprétée. C'est ainsi que permettre la capacité de rectifier ces faits dans le but de les améliorer, dans un but tout à fait individualiste, n'est que rêve inavouable convoité et délaissé de tous.
Revenir dans le passé... Quelle rêverie grotesque. Il faudrait être en mesure de calculer le déplacement inverse de chacune des molécules qui composent la réalité actuelle pour les remettre à leur état précédent. A cela, il est nécessaire d'apporter la vitesse de déplacement et la trajectoire de chacune pour pratiquer une estimation des plus précises, à ceci prêt que l'on considère le risque d'erreur présent. Proprement impossible ! Molestera un esprit scientifique. Si théoriquement, tout est possible ; en pratique, c'est infaisable ! Arguera-t-il de plus belle.
Pourtant l'esprit moins terre-à-terre, plus apte à s'élever dans les méandres de ses pensées les plus utopiques aimera penser différemment. D'ailleurs, il est amusant de noter que le scientifique est proche de la Terre alors que le profane a la faculté de se tourner vers l'univers, représentant de l'infini dans le cœur de nombreux êtres humains. A ceci prêt, il est facile d'établir un lien entre la religion et la rêverie. Chaque corps meurtri et trépassant, laisse s'élever son enveloppe spirituelle vers les cieux. Si, en cela, il est exquis de se demander où toutes ces âmes se cachent depuis ses milliards d'années, dans des nuages qui se font et se défont, il est d'autant plus étrange de remarquer que la religion pousse au souhait et à l'imaginaire alors qu'elle vante les mérites de faits bel et bien réels et explicables. Tout est logique mais elle pousse le croyant à imaginer. Paradoxal.
En revisitant le passé, il serait d'ailleurs possible de mettre fin (ou non) à bon nombre de religions actuelles. Pouvoir remodeler le monde de manière personnelle. Il est évident que si tout un chacun en avait l'opportunité, ce serait vite un tréfonds de changements incessants qui ne permettrait pas de découvrir la moindre nouvelle parcelle passée. Mais il suffirait qu'un seul être en soit capable pour que le moment présent tel qu'on le connaît en soit perturbé. L'idée gène le commun puisque chacun est habitué à son confort, à ses habitudes, à son entourage, à son travail, à ses rêves, ... Il renonce alors à sa vie telle qu'il la connaît et renonce jusqu'à son existence, devenue incertaine.
Difficile à ingurgiter et tout simplement proscrit par le subconscient. A croire que nous sommes tous abrités par un spectre capable de phagocyter la moindre envie d'extravagance par rapport au monde qu'il conçoit, lui. Une prise de possession ponctuelle, suffisamment ferme pour contrôler l'hôte, et particulièrement discrète pour qu'il ne s'en rende pas compte. Si tant est que lorsque la prise de pouvoir n'est pas assurée, le sujet se trouve dépourvu, surexcité à l'idée qu'il existe sûrement des endroits inexplorés et surtout des possibilités qui n'ont pas été envisagées, ou en tout cas, exploitées.
Si l'on se réfère au fait que tout est infini comme le suggérait notre cher Euclide avec son point, penser que des possibilités n'aient pas été explorées est normal. Le but alors de l'individu est d'en visiter le plus possible, au moins le temps que son réceptacle le supporte. Le temps, tel de l'eau dans les mains, s'écoule trop rapidement. Quand on pense l'avoir stoppée, elle trouve le moyen de s'évaporer. Au bout du compte, il n'en reste rien.
Revenir en arrière pour mieux corriger les actes et dires que l'on ne cesse de se ressasser. Ce goût d'inachevé et d'insatisfaction qui hante la personne qui ne peut revenir sur ces pas. L'image en est parfaite puisqu'il s'agit bien là de suivre le chemin inverse, de l'arpenter une fois supplémentaire pour imposer sa nouvelle vision des événements. Le cerveau est lunatique pense-t-on, mais ne serait-ce pas ce spectre qui survole toujours autant le présent à l'affût d'une potentielle censure et qui bribe l'individu sur un court laps de temps, le faisant regretter par la suite. Le laissant dans l'incompréhension de sa réaction impromptue.
Pour en revenir à nos amis près de leurs pieds, ils n'ont même pas leur mot à dire puisqu'ils savent calculer la moindre masse, vitesse, potentialité, variable, avec précision mais demeurent parfaitement incapables d'expliquer les raisons d'un acte sans se référer à un fait passé, à un événement durant lequel l'individu n'a pas réagi suivant une logique particulière, qu'ils n'expliquent par contre pas. Ils supputent devant l'incompréhensible.
Bien sûr, ce spectre prend une forme différente au sein de chacun mais il semble présent en chacun de nous.
Etre dans la capacité de le mettre en échec par un retour en arrière serait tellement plus équitable ; gommant ce sentiment de frustration de n'avoir pu exprimer sa pensée à tel instant, tel endroit.
L'ordre du rêve. Est-ce si incompréhensible par rapport à la réalité telle que nous la voyons ? Le rêve n'est qu'un flux d'idées que le spectre ne peut tempérer en raison de la non conscience de l'hôte. Il subit tel qu'on désirerait qu'il le fasse en temps utile. La frustration ronge tellement l'être au cours de son éveil, que dès qu'il quitte le monde illuminé, il en rejoint un autre qu'il considère comme réel et l'assimile aussitôt à une nouvelle vie. Si la première était si réelle, pourquoi ferait-il cela ? Peut-être est-ce que c'est la première dans laquelle l'intégralité de ses pensées peuvent interagir sur ce qu'il désire. Il est à la fois spectateur et acteur sans pour autant être surveillé. Il respire enfin.
L'individu aime être libre de ses actes et de ses dires. Phrase clichée, prise à toutes les sauces. L'utopie humaine. Pourtant, il ne le peut que lorsqu'il dort. Difficile donc d'être complètement libre de ses gestes quand on n'en a pas conscience. Le remède serait-il réellement la faculté de réécrire le passé ? Le revivre, même brièvement, dans le but de corriger sa copie et se rapprocher de la perfection espérée... Modifier ses propos, écraser le spectre, le faire taire et prendre la main sur les événements considérés comme capitaux. Encore faut-il avoir l'idée de le faire.
Ne pas y croire est la meilleure façon d'endiguer le processus du succès.
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